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la garçonne

— Tiens, dit tante Sylvestre, regarde, mon petit chou. Tu as des lettres…

Monique prit, sur le plateau de laque, tout un paquet d’enveloppes, y jeta un coup d’œil.

— Ce n’est rien. Toujours les prospectus !

Elle s’amusait des suscriptions où le « Madame Vigneret » — déjà ! — voisinait avec son nom de jeune fille, diversement écorché. Offres de toutes sortes, depuis la carte de visite des agences de renseignements (Discrétion, Célérité) jusqu’aux vœux des femmes de la Halle et aux réclames de soutien-gorge…

— Tu ne trouves pas ça indécent, toi, cette publicité ? Dis, tante ! Les jeunes mariés, je trouve qu’on devrait les laisser tranquilles. Ça ne regarde qu’eux, après tout, cette cérémonie ! Viens ! On bavardera, pendant que je me rhabille. Ça me fait du bien de pouvoir parler à cœur ouvert… Il me semble que je me débarbouille !.…

Elle achevait de passer une robe du soir, — une de ces amples tuniques qui se drapent d’elles-mêmes, en plis souples, sur la ligne du corps.

— J’aime ça ! dit-elle. Ce qu’on est à l’aise ! On se croirait nue, et c’est aussi chaste qu’une robe grecque. Tu te rappelles, la Diane archaïque, au musée de Marseille !

— Avec la stola tombant jusqu’aux pieds ? Oui.

Prise d’un besoin d’exubérance, Monique avait saisi par la taille sa tante abasourdie, et esquissant une danse, elle se mit à chanter :

« Nous n’irons plus au bois !
Les lauriers sont coupés !
La belle que voilà
Ira les ramasser…