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la garçonne

Ginette. Mlle Morin inspecta, méprisante, l’éventaire de Monique. Bien que la fin de la vente approchât, il était encore plus qu’à demi garni !… Et montrant devant elle place vide :

— Hein ! ça te dégote ! Moi, je n’ai plus rien à vendre.

— Si ! protesta Sacha Volant.

— Non ! quoi ?

— Çà !

Il désigna la rose qui se fanait, à sa ceinture. Max de Laume souligna, d’un sourire ambigu :

— Votre fleur.

Ginette riposta :

— Trop cher pour vous, mes petits amis !

Ils s’exclamèrent :

— Par exemple !… À combien ? Fixez un prix !

— Je ne sais pas ! Vingt-cinq louis ? c’est trop ?

— C’est pour rien, assura galamment Sacha Volant. Je dis trente… Et mieux vaut !

— Quarante ! lâcha Max de Laume.

— Cinquante !

Mlle Morin jugea l’équivoque, sinon l’enchère, suffisante, et détachant la rose que déjà s’apprêtait à saisir Sacha Volant, elle la tendit à Mercœur, qui à point nommé, venait de réapparaître.

— Adjugé, messieurs ! fit-elle avec une grimace moqueuse. Je ne la vends pas. Je la donne.

Dans les grands salons où la foule était moins dense et où la rumeur s’atténuait, la vente de charité s’achevait en réceptions particulières. À l’orchestre de la Garde Républicaine avait succédé le fameux jazz-band de Tom Frick. Des fox-trotts et des shimmys se trémoussaient, entre les tables, dans la