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la garçonne

— Non, c’est si loin, tout ça !.…

— Phlegmon de la gorge.

— Pauvre fille !

Monique la revit, cadavérique, dans l’ombre des fumeries. Tout le passé venait de surgir, avec ses souvenirs maléfiques. Saisie d’effroi en songeant au sort auquel elle avait échappé, elle plaignit la morne destinée de l’artiste. En même temps, la bande autour d’elle agita ses fantômes… Michelle d’Entraygues, Ginette Hutier, Hélène Suze, et Max de Laume, et lady Springfield !… Et les autres, tous les autres, ceux qui n’avaient été que des indifférents, les Bardinot, les Ransom, et ceux auxquels elle avait en passant tant donné d’elle-même : Vigneret, Niquette, Peer Rys, Régis enfin ! Elle reconnaissait à peine leurs visages. Eux aussi, ils étaient morts !

Elle chassa la pénible vision et dit, attristée :

— C’est gentil, Claire, d’aller à Magny, vous qui la connaissiez à peine. Je suis sûre qu’il n’y aura pas grand monde derrière son cercueil. Elle qui a eu tant d’amis ! Vous joindrez mes fleurs aux vôtres… Pauvre Anika ! Encore une qui aura été victime d’elle-même.

La Slave conclut de sa voix nette :

— Vous avez raison ! On n’a qu’une vie, c’est trop bête de la rater.

Monique s’était levée. Mlle Tcherbalief, curieuse, eût voulu en savoir davantage. Elle s’enquit, montrant le plafond :

— Alors, quand vous habiterez rue d’Astorg, que fera-t-on de l’entresol ?

— Agrandissements. C’est votre affaire. Dès que j’aurai achevé de déménager, vous me ficellerez là-