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la garçonne

Monique sourit… Mme Blanchet ?… Un mari, des enfants ?… Pourquoi pas ?…

Ce qui lui eût semblé, il y avait un mois, un rêve irréalisable, lui apparaissait aujourd’hui un miracle possible… Elle voyait avec d’autres yeux, parce qu’elle sentait avec un autre cœur… Déjà elle faisait, involontairement, des projets… Ils garderaient le pavillon de Versailles pour le printemps et l’été. Aux vacances, ils voyageraient, et l’hiver…

Claire, restée à son point d’interrogation, la regardait, en souriant.

— Pour l’instant, Claire, j’ai envie de déménager, voilà tout. Et puisque vous voilà propriétaire de divers immeubles, et que vous avez, rue d’Astorg, quelque chose à me louer… Attendez ! Ce n’est pas tout ! Vous n’avez plus besoin, puisque le baron vient de vous donner sa Mercédés, de votre petite Voisin ?… La dix-chevaux, conduite intérieure…

— Non…

— Je vous l’achète. Convenu ?

— Convenu, dit Claire, depuis longtemps habituée avec la « patronne » à ne plus s’émouvoir de rien… Mais pas avant que la Mercédès soit réparée… Vendredi, voulez-vous ?

— Pourvu que je l’aie le soir du réveillon… Je dois amener M. Vignabos à Vaucresson, chez les Ambrat…

— Alors ça va ! Il faut, — je voulais vous le dire, et c’est pour cela que j’ai besoin de la Voisin, — que j’aille demain à Magny… L’enterrement d’Anika.

— Anika ! s’écria Monique.

— Morte avant-hier, toute seule, dans une auberge où elle avait été se terrer depuis quelque temps… Vous ne saviez pas ?…