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la garçonne

consentement, de sa tendresse prête à l’abandon ?

Soubresauts de l’inconscient, où la Monique transitoire, celle qui avait gaspillé son esprit et sa chair, achevait de disparaître, et où la Monique nouvelle, — toute semblable à celle qui s’était ouverte avec tant de confiance à la vie, — commençait peureusement à s’épanouir.

Elle avait retrouvé son âme de fiancée, avec une ardeur plus grave sous le même primesaut, tendre et gamin. Mais, inconsciemment, dans son allure assagie, dans sa réserve charmante, une apparence plus féminine se manifestait. Mlle Tcherbalief, avec étonnement, la contemplait, réinstallée rue de la Boëtie, dans le salon de réception.

Monique avait fait vider le bureau Louis XV de tous les papiers entassés depuis deux ans. Allègrement, avec une facilité dont elle se croyait déshabituée, elle dessinait au lavis, sur l’abattant… Un projet d’appartement : simple, quelques grandes pièces, sobres, claires…

— Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme cela, femme Tcherbalief, pardon ! Plombino ?

— C’est curieux ! Il me semble que vous avez quelque chose de… Une transformation !… Ah ! Vos cheveux peut-être ? Vous les laissez repousser ?

— Oui.

— Moi qui allais couper les miens ! Une idée du baron… Il tient à ce que je me coiffe comme vous…

— Alors, baronne, restez comme vous êtes ! Les cheveux courts, c’est bon pour les garçons.

— Ça, fit Mlle Tcherbalief, c’est comme votre projet d’appartement, c’est nouveau !… Est-ce que Mlle Lerbier songerait à devenir madame ?…