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la garçonne

draps au lit, débarrassaient la penderie et les meubles, des robes, des objets de toilette.

M. Ambrat et le docteur, soutenant le blessé, avaient à peine achevé de le transporter, de le déshabiller et de l’étendre, que Monique, son propre pansement fait, frappait à la porte. Elle avait d’elle-même rassemblé le nécessaire aux premiers soins : l’ouate, l’eau oxygénée, les rouleaux de gaze. Elle avait même revêtu une blouse, empruntée comme le reste à la petite pharmacie de la maison, toujours précautionneusement garnie.

Blanchet, dans sa fièvre, sourit en la voyant entrer. Avec l’infirmière improvisée réapparaissait, hallucinante, l’image des Années Terribles. Il était dans son lit d’hôpital !… Il souriait, blessé, du même sourire extasié, dont, — huit ans passés, — il avait salué sa résurrection, après l’enfer des tranchées, en voyant se pencher vers lui la forme blanche, les bons yeux où brillait la vie…

Georges Blanchet, autrefois ni plus léger, ni plus égoïste que la plupart, avait trouvé, dans son sentier de la guerre, le chemin de Damas. Parti dilettante, il était revenu apôtre. Excès de la souffrance, où il avait touché le fond !

Comme tous ceux qui n’en étaient pas sortis abrutis, il gardait, de son séjour dans l’abîme, une haine et un amour : haine du mensonge social, amour de la vérité et de la justice… Mais à vrai dire, — il fallait bien qu’il se l’avouât, — un tel concept était celui d’une infime minorité ! Peu d’hommes le partageaient. Et de femmes, encore moins.

À s’abstraire ainsi dans le solitaire domaine des idées, il s’était desséché, jugeait-il, à la longue. Il se