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la garçonne

— Attendez donc, Léo !… Vous ne m’avez rien dit.

Il glissa, très bas, très vite, apercevant Max de Laume et Sacha Volant qui se dirigeaient de leur côté :

— Demain, six heures, chez Anika. Nous aurons tout le temps, puisque vos parents dinent à l’Élysée.

— Rendez-vous ?

— Avec Hélène Suze, au thé de la place Vendôme.

— Vous êtes un amour.

Il s’inclinait cérémonieusement, prenant congé, quand une recrudescence d’agitation, un grandissant murmure leur firent tourner la tête. On s’écartait, on faisait place. Comme un vaisseau de haut bord, la sèche, glabre statue de John White, le milliardaire américain, parut, escortée d’une chaloupe basse, qui roulait : c’était la générale Merlin en personne, présidente de l’Œuvre des Mutilés Français, qui faisait les honneurs, suivie d’un flot bruissant de vieux messieurs et de belles dames.

Léo plaisanta :

— Voilà les clients sérieux. Je me sauve !

Ayant tourné le dos à Ginette, et se désintéressant de ses exploits, Monique fut toute surprise de voir déferler de son côté la vague des officiels. À qui en avaient-ils ? Sans doute à la directrice du comptoir, Mme Hutier, vice-présidente de l’Œuvre ?… Non ! C’était devant ses éventaires emplis de fleurs artificielles que le cortège s’arrêtait.

Ginette, pâle de jalousie, courut à la rescousse, et Mme Hutier se précipita, en minaudant.

— Je vous présente, fit la générale en se tournant