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leur ciel intérieur. La seconde semaine leur parut plus longue que la première. Les jours raccourcissant, les matins gris, bientôt froids, l’ombre vite tombée sur les après-midi maintenant tramés d’une pluie monotone, les réduisaient au vis-à-vis des heures enfermées, interminables…

Séparés du monde extérieur, ils retombaient, comme un feu que plus rien n’attise, à leur propre aliment. En vain ils s’efforçaient de galvaniser la flamme. Il n’y avait plus que des tisons mal éteints et des cendres.

Monique, seule, avait le courage de se l’avouer, parce qu’elle ne souffrait pas à le constater. Elle croyait avoir épuisé, du fait de Régis, tout ce qu’elle en pouvait attendre, en bien comme en mal. Elle ne tenait plus à lui que par le fil usé de sa liaison même. Aurait-elle tant donné d’elle, tenté cette dernière expérience pour rien ?… Blessure d’orgueil, plus que d’affection. Douleur d’avoir cru toucher terre, et de se sentir rejetée au large, comme une barque désemparée.

Cette fois, — à découvrir, dans un être qu’elle avait aimé d’abord pour sa franchise et sa droiture exceptionnelles, la même horreur de la vérité que chez le menteur le plus invétéré, — l’humiliation, l’étonnement avaient été si grands qu’elle en gardait comme une stupeur… Était-ce donc les autres, Hypocrite et Cie — comme disait Anika, — qui, étant dans le faux, étaient dans le vrai ?… Et n’était-elle, elle, qu’une anormale, avec sa soif toujours plus altérée de sincérité et de justice ?

Au bout d’une quinzaine de jours, exaspérée par la pluie qui n’avait depuis l’aube cessé de tomber par rafales, elle s’arracha soudain de la fenêtre, où elle