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la garçonne

— Parle.

Il avait peur. Ses oreilles résonnaient encore, de la tranchante phrase : « Je ne t’épouserai jamais… » Pourtant, depuis qu’elle les avait prononcés, matérialisant ainsi brusquement un projet auquel il n’avait jusque-là songé que par intermittences, ces mots le poursuivaient, d’un désir accru, en même temps que d’un regret. L’épouser !… Cette idée qu’ils avaient parfois pu avoir, chacun de leur côté, et dont ils n’avaient parlé que pour l’écarter, s’imposait depuis, impérieuse, à ses réflexions. L’épouser ! Oui… Seul moyen de l’avoir désormais à lui, bien à lui, rien qu’à lui. Elle comprit et s’écria :

— Devenir ta femme, moi ? Nous marier ?

— C’est mon seul rêve.

— M’asservir, n’est-ce pas ?… Tu crois que tu me tiendrais davantage !

— Qui est-ce que le mariage retient, aujourd’hui ?… N’aie pas peur. Le cabinet de Barbe Bleue, c’est une très vieille histoire. C’est même un conte !… Non. T’épouser pour que, davantage encore, nous ne fassions qu’un, nous nous appartenions sans réserve…

Tout en elle avait beau protester, dans un instinct de défense qui résolument lui faisait rejeter, comme la menace d’un mortel danger, cette proposition inattendue, — elle éprouvait, dans l’incorrigible ingénuité de sa chair et de son cœur, un revirement d’indulgence, à demi crédule… Rozeuil ?… qui sait ? Et qu’est-ce que cela coûtait d’essayer en effet, une dernière fois ?

Elle ne dit pas oui, le soir même. Mais, quelques jours après, touchée par l’effort d’affectueux repentir dont Régis témoignait, elle céda. L’auto les emmena,