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mensonge et de ruse, la faiblesse féminine ! Tous les mauvais exemples viennent de vous, d’autant moins excusables que vous étiez, et que vous êtes encore les maîtres… Cela dit, je vous ferai observer, monsieur Boisselot, qu’il y a dans votre paradoxe autant d’erreur que de vérité. Vous généralisez trop. Les femmes, et même les jeunes filles de France ne sont pas toutes comme celles que vous nous dépeignez. Mme Muroy, si elle était encore là, pourrait vous dire, à mon défaut, qu’il y a en province et même à Paris une foule de familles où la vertu est plus fréquente que le vice. Cela, c’est l’évidence. Et les taches qu’il peut y avoir, jusque sur le soleil, n’empêchent pas que le soleil soit.

M. Vignabos se frotta les mains. M. Ambrat se versait, en souriant d’un air approbateur, un doigt de Vouvray. Il rougit, en s’apercevant que tous les verres étaient vides, et tendant la bouteille :

— Oh ! pardon !… Mais si ! Mais si ! un petit verre, monsieur Boisselot. Vous l’aimez bien. Il y a encore, heureusement, quelques-unes de ces bonnes choses, sur le sol de chez nous !

— Et puis, reprit Blanchet, pourquoi juger d’un temps et d’une société sur un de ses aspects passagers ? D’abord, en effet, comme l’observe Mme Ambrat, ce que voit Boisselot n’est que ce que voit Boisselot. Ensuite, qu’est-ce que dix ans, vingt ans, au regard de l’histoire ?… Qui sait ? Dans l’anarchie même un ordre nouveau s’élabore… Les mœurs nouvelles des jeunes filles, avec les excès que tout apprentissage de liberté comporte, embellissent peut-être le visage de la femme de demain.

Boisselot ricana :