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Et vos électrices, — car pour qu’une Mme Ambrat soit élue, il faudra d’abord que les femmes votent…

— Mais oui ! Comme en Amérique, comme en Angleterre, comme en Allemagne…

— Et en Suisse, en Belgique, en Autriche, en Tchéco-Slovaquie, en Finlande, au Danemark ! énuméra M. Ambrat. Il faudra bien qu’un jour la France suive !

M. Vignabos murmura :

— La France de la Convention ! L’émancipatrice !…

— Revenons à la question, continua Boisselot : — l’homme responsable de l’anarchie actuelle. Vous me faites rire ! Est-ce nous qui avons appris, à vos citoyennes « conscientes et organisées », le branle qu’elles mènent, dans la sarabande générale ? Est-ce nous qui conseillons à l’ouvrière de claquer tout son salaire de la semaine, en fourrant ses pieds sales dans des bas de soie, des bottines jaunes ou des souliers vernis ? Est-ce nous qui raccourcissons les jupes des femmes du monde, pour les prier de mieux remuer leurs petits derrières bien propres, au dancing ? Est-ce nous qui sommes responsables des mœurs nouvelles des jeunes filles, et de l’incurable vanité des occupations féminines ?… Mlle Lerbier m’excusera, je ne parle pas d’elle !

Monique ne sourcilla pas. Mais l’injure en elle pénétrait, lancinante. Mme Ambrat répliqua, froidement :

— Permettez à l’agneau d’emprunter le langage du loup, pour lui répondre : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! » Oui, ce sont les hommes qui ont non seulement cantonné, mais enfoncé encore, dans ses habitudes d’artifice, dans une seconde nature de