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avait fini par apprécier, pleinement, la délicatesse. Un plus impérieux aimant l’aiguillait… À son insu peut-être ? Car rien, dans les apparences, ne permettait d’y distinguer autre chose qu’un affectueux respect. Il fallait l’œil félin d’un amant, et jaloux, pour y avoir vu immédiatement clair.

En même temps elle s’interrogeait. Prise par Régis, au point que tout ce qui n’était pas leur plaisir n’existait pas, physiquement, pour elle, elle ne se découvrait, pour Georges Blanchet, du point de vue charnel, ni attirance, ni répulsion. Il n’était ni bien ni mal. Indifférent…

Pourtant, à la réflexion, elle s’avouait qu’il gagnait à être connu. La première impression, lorsqu’il lui avait été autrefois présenté, n’avait-elle pas été plutôt désagréable ? Maintenant elle prenait plaisir à le revoir. Elle aimait sa largeur de vues, et par-dessus tout, sa foi, qui n’excluait pas la tolérance. Oui, un beau caractère !

Elle se voulut absolument sincère : l’aurait-elle apprécié à ce point si Régis, par son absurde soupçon, par la maladresse de son insistance, ne l’avait contrainte à poursuivre, plus qu’elle n’eût fait d’elle-même, la comparaison ?… Non. Si l’image de Blanchet avait pris corps, au point d’occuper souvent ses pensées quand elle était seule, à qui la faute ?…

Ce qui, par-dessus tout, dans les grossiers reproches, l’avait ulcérée, c’était moins leur inanité, que leur injustice. Cœur meurtri, et qui avait besoin pour guérir de soins doux et minutieux, Monique n’avait ressenti que plus cruellement la brutalité des mains qui, venant de la panser, avaient arraché, d’un coup pansement et cicatrice.