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la garçonne

Le romancier s’excusa perfidement :

— Tiens ! je croyais que vous aviez une chaire de rhétorique. Pardon.

— Mais, riposta Blanchet, je ne vois pas ce que cela aurait de désobligeant… La rhétorique a du bon, Et c’est bien en tout cas la première fois que J’entends un littérateur en médire. Vous crachez sur votre pain !

Régis pâlit. Touché ! Sous la plaisanterie du ton, les pointes, pour eux seuls démouchetées, poussaient leurs blessures. Duel de mots, — dont personne, sauf Mme Ambrat, ne devinait la gravité, — et dont Monique, juge en même temps que témoin, ressentait tous les coups. C’était pour elle que ces deux hommes croisaient le fer de leurs regards et de leurs propos.

Car elle le percevait avec une netteté soudaine, dont la révélation la saisissait : ce n’était pas absolument à l’aveugle que la jalousie de Régis flairait le rival. Elle s’en rendait compte, moins à l’attitude toujours égale du professeur, qu’à l’échange secret des sympathies. Depuis ses dernières rencontres avec Blanchet, un sentiment nouveau s’était éveillé en lui.

Une curiosité d’abord, puis un attrait, moins banal que celui de la camaraderie, avait succédé à sa cordialité. Elle sentait, avec cette finesse d’instinct qu’ont toutes les femmes, flattées de plaire même quand elles n’y songent pas, le progrès qu’avait fait en lui, chaque fois qu’ils s’étaient revus, la cristallisation.

Ce n’était plus seulement une parenté d’esprit, l’élan de l’amitié intellectuelle qui avait rapproché d’elle, à travers chaque absence, cette âme dont elle