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ombre. Elle fut la gardienne de son travail. Elle l’accompagnait, lorsqu’il voulait sortir. Elle ne vit plus que ses amis, quelques peintres, des littérateurs d’avant-garde, rarement M. Vignabos, depuis le jour où y ayant rencontré Blanchet, la conversation avait fini, entre Boisselot et lui, par devenir acariâtre. Il avait suffi que Monique partageât l’avis du professeur. Régis avait, aussitôt, pris le contre-pied, avec une violence rageuse.

À la longue, cet isolement produisit fatalement son effet : Monique étouffait, comme dans une prison. Elle réagit, et leur paix apparente, brusquement, cessa.

— Non ! protesta-t-elle, résolument, comme il voulait l’empêcher d’accepter à déjeuner, un dimanche, chez Mme Ambrat… Il y a deux mois que je refuse d’aller à Vaucresson, c’est idiot ! Tu finiras par me brouiller avec la terre entière.

— Je ne croyais pas que Mme Ambrat fût la terre entière.

— Tu m’as déjà forcée à semer Vignabos, ça suffit !… Les autres, je n’en parle même pas. Je te les ai abandonnés volontiers. Il y a des tas de badauds et de gêneurs qu’on peut balancer, comme du lest… Oui, je connais ta formule ! Toutes tes formules !… « On monte, en s’isolant… » Et cætera ! Mais Vignabos, mais Mme Ambrat ! C’est trop.

Il fonça :

— Moi, je te dis que c’est assez. Penses-tu que je ne sache pas pourquoi tu veux aller, dimanche, à Vaucresson ?

— Pour changer d’air.

— Ce sera toujours la même chanson !