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Mais il la violentait, une fois de plus. Elle tomba, à son corps défendant. Et quand, sous la frénésie qui la gagnait, ils eurent achevé en cris de bête leur lutte spasmodique, une grande tristesse les envahit. Ils ne s’endormirent qu’au matin, membres entremêlés, pensées distantes.

Dès lors une vie agitée emporta Monique. Elle pensait, avec mélancolie, aux heures paisibles de leur amour, quand il était encore semblable à la nappe d’eau ensoleillée, avec ses fleurs d’oubli. Paradis de Rozeuil, d’où le démon les avait chassés… Oui, le démon qui maintenant s’était emparé tout entier de Régis ! Le mal l’avait happé, l’hypnotisait. Il n’essayait même plus de raisonner, partant de dominer sa jalousie. Elle débordait du passé sur le présent, enfiellait tout.

Si inattendue que fût pour elle la déconvenue, et si amèrement que son orgueil souffrit d’avoir trouvé, en celui de qui elle attendait la libération, une nouvelle forme d’esclavage, — Monique s’y rattachait, de toute l’habitude charnelle, de tout le regret aussi de son erreur… Peut-être s’amenderait-il ? Les pires maladies se guérissent à la longue. Ce que Régis avait d’intelligent et de bon finirait par atténuer en lui, qui sait ? éliminer le venin ?…

Amour et amour-propre se trouvaient ainsi d’accord pour l’incliner à la patience. Par crainte d’exaspérer le maniaque, maintenant enclin à tout suspecter, elle consentit à ne le presque plus quitter. Elle renonça à la plupart de ses relations, de ses occupations. Elle se laissa accaparer, chaque jour un peu plus.

Il s’implanta en souverain, la relégua dans son