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la garçonne

Elle eut un geste las :

— À quoi bon discuter, d’ailleurs ? C’est tellement individuel, tout ça ! Il y a des mères qui mourront sans avoir connu l’amour… La femme ne s’éveille à la vie qu’après s’être ouverte au plaisir.

Il ricana :

— Peer Rys !

— T’ai-je dit que le plaisir était toute la vie ? La mienne n’est-elle pas là pour te crier le contraire ? on n’est heureux que quand on s’aime, corps et âme.

Il détourna la tête. Elle soupira :

— C’est toi qui me l’as appris, Régis ! On n’est heureux qu’à cette condition… Ou plutôt on devrait l’être…

Ils se tenaient immobiles à côté l’un de l’autre. Elle eut un bon mouvement, se rapprocha. Alors elle vit qu’il pleurait. Elle en fut émue.

— Pourquoi nous supplicier de la sorte ? Il n’y a rien de plus dégradant qu’une douleur médiocre. Et c’est si inutile !

— On ne raisonne pas quand on souffre.

Il eut honte, et s’effondra, à ses genoux :

— Pardonne-moi, je suis une brute !

Elle avait posé une main sur sa tête, et le regardait, avec plus de compassion que de tendresse. Il se releva d’un saut, l’étreignit… Que de fois avaient ainsi fini, en roulant au lit réconciliateur, leurs disputes précédentes ! Mais cette fois Monique déclara, tristement :

— Non, Régis ! Non. J’ai besoin que tu me laisses, ce soir. Tu as brisé un lien entre nous… Demain… Quand nous serons calmés, quand tu auras…