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la garçonne

tu pouvais rencontrer un jour un brave bougre, — absolu comme moi… Que vous pouviez vous aimer, et qu’en te galvaudant comme une putain, pis qu’une putain, toi qui étais une privilégiée par la naissance et par l’éducation, tu ferais son malheur et le tien !

Elle ne répondit pas. Elle cherchait à démêler ce qui, en elle, frappait juste, et frappait faux. Certains mots la traversaient à vif, parce qu’ils correspondaient à la meurtrissure d’un regret. D’autres la blessaient plus profondément encore, tant ils lui semblaient immérités. Elle dit enfin :

— Ne parlons plus de moi, puisque tu ne veux pas voir ce que j’ai été avant de te connaître, et avant tout ! Une malheureuse… Et puisque tu as enfin commencé d’être franc, sois-le jusqu’au bout !

— Va…

— Tu viens de me dire : on n’épouse pas une fille !… Admettons ! Bien que cela se voie, en somme, tous les jours. Mais une veuve, ou une divorcée ?… Réponds.

Il prévit l’argument, grommela :

— Ça dépend !

— Non ! Biaiser ne te ressemble pas. Réponds… Si tu aimais, comme tu m’aimes, une veuve ou une divorcée, l’épouserais-tu ?

— Tu n’es ni veuve ni divorcée. Avec des si, tous les raisonnements sont faciles.

— Je te répète qu’il n’est pas question de moi. Une veuve ou une divorcée, qui aurait pu faire les quatre cents coups, et dont tu ne saurais rien, sinon que tu l’aimes, l’épouserais-tu ?

— Bien sûr…

— Je ne comprends plus.