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voyait sa caisse vide. Les malheureux mettaient trop longtemps à mourir.

Peer Rys, au dernier moment, avait été ajouté au programme. Une annonce d’Alex Marly — régisseur pour la circonstance — avait fait, en même temps que Régis, tressaillir Monique. Dans le murmure de satisfaction générale qui s’élevait, achevé en bravos, il s’était penché vers elle, la poignardant du regard :

— Vous êtes contente ?

— Tu es fou !

Jamais elle n’avait regretté à ce point les confidences auxquelles elle s’était laissée aller, aux premiers jours de leur amitié, avant le coup de foudre du désir assouvi. Sans attendre que le rideau se relevât, il avait quitté sa place, en lui enjoignant de le suivre. Blessée, elle avait refusé.

Mais quand elle le vit gagner, résolument, la porte contre laquelle se trouvaient leurs fauteuils, elle fut faible. Il souffrait, à cause d’elle. Et bien que ce fût d’une souffrance injustifiée, cela l’émouvait parce qu’elle l’aimait encore, presque aussi vivement qu’aux beaux jours de Rozeuil.

Ils ne se dirent pas un mot, dans le taxi qui les ramenait. Rencognés chacun de leur côté, ils remontaient la pente de leurs pensées, ramassaient, l’un contre l’autre toute une glane d’amertumes. Pourtant, quand ils furent dans la petite chambre à coucher et qu’il la regarda, avec haine, jeter son manteau et surgir, épaule et bras nus, de sa robe perlée, elle ne put supporter plus longtemps son insultant silence. Elle vint à lui, conciliante :

— Chéri, je ne parviens pas à t’en vouloir, puisque tu es malheureux… Moi-même je souffre plus que