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Sa mère mourut. Trêve mélancolique, où Monique sut être la consolatrice. Et puis ils allaient pouvoir réaliser le projet qu’elle avait caressé, au début. S’appartenir davantage, dans la tiédeur d’un nid où rien ne rappellerait les jours anciens.

Ils se divertirent à rajeunir le modeste appartement, par des toiles à carreaux, des étagères aux couleurs crues, des poteries rustiques. Elle fit elle-même un grand rangement des livres, lui trouva pour table à écrire un monumental meuble de ferme normande, au chêne jaune, à peine piqué par trois siècles.

Tous les soirs elle venait dîner, coucher là. Elle partait le matin à onze heures. Il déjeunait seul, en travaillant. Une suite aux Cœurs sincères, intitulée : Possession ?… Car il était de ces romanciers qui ont moins d’imagination que d’observation, et se peignent, malgré eux, dans tous leurs livres.

Monique, quelque temps, respira. Elle s’était, sous l’influence de Boisselot, et dès les premiers temps de leur liaison, remise à son métier, où il voyait un dérivatif à toutes les tentations dangereuses qu’eussent pu apporter, aux heures où elle lui échappait, le vieux cercle coutumier : relations, habitudes.

Elle avait repris, — en gardant Mlle Tcherbalief, et en l’y associant plus complètement encore, — la direction de sa maison. Elle lui avait du même coup fait cadeau, en toute propriété, de son ancienne garçonnière. Qu’on n’en parlât plus !… L’installation que « Mlle Claire » avait faite, de l’hôtel de Plombino, avait promu celle-ci hors rang : même, ayant accepté les hommages du baron dépité, elle disposait de capitaux inattendus. Mais, reconnaissante à Monique