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absurdité, et presque aussitôt revenait à la charge,

Une curiosité un peu maladive le poussait à un incessant besoin d’inquisition. Ne trouvant pas à s’exercer sur le présent, sa hantise le ramenait sans relâche à fouiller les souvenirs. Le plus douloureux de tous était celui de Peer Rys.

Régis avait lacéré, jeté au feu le Samain, ne pardonnant pas au Jardin de l’Infante son brin de lavande séchée, toute odorante encore de l’érotique aveu.

Non content d’exécrer ceux qu’il savait avoir joui de Monique, il eût voulu connaître tous les noms des autres qui, avant lui, l’avaient possédée dans sa chair, Il avait beau sentir qu’il en était le maître. Il ne pouvait tolérer qu’elle eût avant lui tressailli, sous tant de bouches.

Visions dont sa raison lui conseillait en vain d’écarter l’image. Elles le poursuivaient de visages précis, et de faces imaginaires. Elles déroulaient leurs tableaux vivants. Toute une lubricité qui, en exaspérant son désir, le gangrenait.

Mais elle, avec un sens profond de tout ce qui pouvait préserver leur amour, opposait — trop tard ! — à ces interrogatoires de maniaque la volonté de se taire, la diversion de la douceur.

Elle chercha, pour y aimer, des gîtes nouveaux, Ils connurent l’amusement des petits voyages imprévus, et, fuyant la banalité luxueuse des palaces, le charme des auberges de campagne et des hôtels provinciaux. Mais toujours, aux yeux d’inquiétude, elle lisait, quand s’étaient dénoués leurs bras, l’idée fixe.

Au bout de six mois, un grand chagrin frappa Régis.