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ii

Les jours, les semaines passèrent.

Ils avaient acheté, à mi-frais, une auto. Ils connurent l’ivresse des départs à l’improviste, l’évasion d’eux-mêmes à travers l’élargissement des horizons. Elle eût voulu une voiture plus spacieuse et plus vite. Il s’y était opposé, tenant à conserver l’indépendance de sa quote-part. Il rageait assez, d’être forcé de la laisser conduire.

Myope et distrait, il s’était résigné à la voir au volant. Quelques leçons avaient suffi pour faire d’elle une chauffeuse adroite, et, de lui, un mécano consciencieux. Rôle inférieur dont il était le premier à plaisanter, pipe aux dents, mais qui au fond, sans qu’elle s’en doutât, l’humiliait.

Monique éprouvait de plus en plus à quel point. — satisfaits dans leur chair, — ils eussent pu vivre en communion d’esprit. Il était si simple compagnon. Il avait sur les événements, les êtres, une vue si haute ! Il était pitoyable, malgré ses emportements… Elle appréciait, sous les crocs toujours montrés, la faiblesse d’une vraie bonté.