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la garçonne

Monique, de tout son être, se haussait vers le renouveau…

Don définitif d’elle-même, croyait-elle à cette minute où tout symbolisait une existence ressuscitée, chantait l’hymne de la métamorphose. Don solennisé par tout ce que l’un et l’autre sentaient, et ne disaient pas, dans leur fièvre grandissante, l’irrésistible aimantation qui les poussait, les plaquait, corps à corps.

Déshabillés d’un même mouvement, ils s’étaient repris, tombaient enlacés, sur le divan nuptial.

Boisselot, penché sur Monique, la regardait dormir après l’épuisante nuit. Dans cette chair qu’il savait sienne jusque dans l’isolante reprise du sommeil, il eût voulu pouvoir lire, percer l’énigme, au fond mystérieux de l’être.

Les bras croisés derrière la nuque, elle respirait d’un souffle égal, toute rose dans la touffe cuivrée de ses cheveux. Elle s’éveilla lentement sous le fluide qui l’enveloppait, aperçut au-dessus d’elle le visage méditatif, et sourit.

Ils étaient couchés à côté l’un de l’autre, nus sous le drap qu’au matin elle avait ramené, d’un geste frileux. Le grand jour filtrait à travers les rideaux fermés, nuançait, d’un bleu plus tendre, le sombre bleu du rideau de velours. Un rais de soleil y cousait sa broderie d’or.

— Il fait beau ! murmura-t-elle, et enlaçant de son bras frais le cou trapu, elle attira jusqu’à sa bouche les chères lèvres.

Puis, le repoussant avec mollesse, elle murmura :

— Tu m’épiais, misérable ?

— Je t’admirais.