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la garçonne

amour, auquel elle se donnerait toute. Elle ne l’a pas encore rencontré. À peine, parmi tous les hommes dont lui parle sa mère, — qui s’est mis en tête de la marier le plus tôt possible, — un nom : Lucien Vigneret, l’industriel. Mais si, à diverses reprises, elle a pris plaisir à le distinguer, lui ne l’a pas seulement remarquée…

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Ainsi, allongée sur son divan, Monique rêve. Par visions superposées, sa vie défile au mystérieux écran. Précisions hallucinantes, où du fondu de l’oubli le souvenir se dégage, et se réincarne… Elle songe à ces doubles d’elle-même, évanouis. Aujourd’hui elle a vingt ans, et elle aime.

Elle aime, et elle va se marier. Dans quinze jours elle sera Mme Vigneret. Le rêve s’est réalisé. Elle ferme les yeux et sourit. Elle pense avec émotion, bouleversée encore, que la mairie et sa célébration officielle, et l’assommant tra-la-la du lunch où, avec des arrière-pensées égrillardes, un tas de gens vont la féliciter, cela n’ajoutera rien à son bonheur.

Ingénument elle s’est laissé prendre, elle s’est donnée toute, il y a deux jours, à celui qui est tout