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la garçonne

ler. Crayons et pinceaux ne lui tenaient pas aux doigts.

Elle revenait, de sa velléité laborieuse, plus démoralisée encore… Que faire, qui l’absorbât ? Courageuse, oui, elle se fût peut-être donnée corps et âme à n’importe quelle tâche. Il n’en manquait pas d’intéressantes, — de passionnantes même. Ne fût-ce que de reprendre, à son compte, en l’amplifiant, l’œuvre de Mme Ambrat…

« Que de misères, partout, à soulager ! que de bien à faire ! se disait-elle… Mais on n’est altruiste qu’à condition de ne plus penser à soi… Bon à quarante ans, pour Mme Ambrat. » Monique, jeune, ne pensait qu’à elle. Les mauvaises habitudes prises, et jusqu’à sa réussite dans son métier de luxe l’enserraient aussi de mille liens mous, mais tenaces…

Elle se fit soumettre le dessin de la tenture incriminée et jugea charmante la nuance brique, avec ses broderies de fausses gemmes incrustées.

— Quel idiot que ce Lair ! Il faudrait que je passe au Vaudeville, dit-elle à Claire… voir le décor posé… Si j’y allais ?

— On ne répète pas, mademoiselle. C’est jeudi, matinée…

— Zut !… Alors montrez-moi le velours cerise, pour le cabinet de travail de M. Plombino.

— Nous ne l’avons pas encore.

Monique s’en tint là. L’effort pour aujourd’hui suffisait… En même temps la fin de l’après-midi allongea, devant elle, son ornière déserte… Comment user jusqu’au soir, où elle irait fumer chez Anika, les heures interminables ? Il y avait bien, au Ritz, un rendez-vous avec Hélène Suze, qui pilotait un jeune