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la garçonne

M. Angibault montra son visage carré de Lorrain méthodique :

— Madame Hutier ?

— J’y vais.

Monique soupira. Les distractions que d’ordinaire lui proposait Ginette ne la divertissaient guère. Mais, après tout, autant cela qu’autre chose !

Elle s’était petit à petit laissée reprendre aux camaraderies d’autrefois. Hélène Suze et Michelle d’Entraygues étaient, avec Mme Hutier et Ponette, redevenues de ses intimes. Même elle trouvait, à les revoir quotidiennement, un agrément qu’elle n’avait pas connu lorsque, contrastant du tout au tout avec leur mentalité, elle réprouvait cette veulerie et cette corruption dont, imprégnée elle-même aujourd’hui, elle partageait l’habitude.

Un peu de mélancolie, irraisonnée mais douce, s’ajoutait à ces amitiés qui l’engluaient, comme un fond de vase. Rappels inconscients du passé, — l’image de la Monique qu’elle avait été, aux jours de l’illusion, quand elle appareillait vers le bel avenir…

Elle écoutait, le récepteur à l’oreille, et soudain sourit, d’un air ambigu :

— Non, impossible ce soir. Je dîne avec Zabeth, et je dois la mener ensuite chez Anika…

— …

— Oui, elle n’a jamais fumé. Ça l’amuse.

— …

— Justement ! La lucidité, le détachement d’esprit que cela donne… Ça va très bien avec la théosophie.

— …

— Oui, et avec le spiritisme ! On voit double.

— …