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la garçonne

réception, Monique, qui à deux heures de l’après-midi venait de se : lever, répétait en soupirant :

— Mais non ! je vous assure… C’est même amusant, au fond, cette existence-là !… Je l’avais prise au tragique, et puis au sérieux… J’avais tort. C’est une farce. En se plaçant au point de vue comique, et surtout en n’exagérant rien, car rien au fond n’a d’importance, on peut très bien s’accommoder !… C’est la sagesse. T’en fais pas !

Mme Ambrat contempla tristement le teint plombé, les bras pendants.

— Quelle sagesse ! murmura-t-elle.

— C’est la meilleure.

— Et c’est une femme qui parle ! C’est vous, Monique…

— Bien sûr. Pourquoi une femme, qui n’a ni mari, ni enfant, — qui n’a même pas de parents… car les miens ! — s’embarrasserait-elle de scrupules que les hommes n’ont pas ? Il faut vous résigner à ce fait, chère madame. Chacun sa vie ! Et puis la mort, pour tous !… Et surtout n’allez pas me plaindre, parce qu’en attendant je mène une vie de garçon !

Mme Ambrat esquissa un geste impuissant. Il y aurait eu trop à dire ! Elle avait embrassé Monique avec tendresse, car elle avait malgré tout foi en elle, puis était repartie, toujours courante. C’était une de ces maigres quadragénaires, sans âge et presque sans sexe, qui n’ayant jamais été mères, se vouent, de tout l’élan féminin insatisfait, au trompe-cœur de l’éducation. L’habitude de professer lui avait donné une autorité un peu sèche, sous laquelle une sensibilité ardente couvait.

Monique, en bâillant, écoutait les explications que