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moins, chez moi, quelque chose qui vienne de fous !… Non ! non ! Je ne dis plus rien… Je fous enverrai demain pour vos pauvres, un chèque de trois cent mille francs. Pourvu que nous ne soyons pas fâchés… que je puisse fous apercevoir, de temps en temps… Merci… merci !…

Elle le considéra, sans pitié. Il bavait la peur d’être rabroué et, sous sa servilité, l’espoir quand même, sournois et persistant, de multimillionnaire pour qui, finalement, tout s’achète. Mme Bardinot accourait en souriant, soignant son entremise. Monique en profita pour prendre brusquement congé.

Ponette se récriait :

— Restez, voyons ! Marthe Renal vient chanter, après l’Opéra…

Mais Monique secouait, farouchement, la tête :

— Non ! non !… J’ai du travail. Tenez, pour le baron !

Le visage de Mme Bardinot s’éclaira, ravi. Elle flairait la grosse commission, sans distinguer, dans « l’au revoir » railleur qu’on lui jetait, le sarcasme de l’ironie…

« Du travail ! se répétait Monique, en filant à l’anglaise… Collaborer au bien-être et à la vanité de ces mufles !… Ah ! si cela ne devait pas servir à panser d’autres maux, pires encore que les miens !… » Elle n’en jugeait pas moins sévèrement son métier : œuvre superflue, en soi… Divertissement d’oisive. Travailler à ça, quelle fichaise !

Elle rentra, broyant du noir.