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la garçonne

l’élever dans le mépris d’usages et de lois qui l’avaient fait si cruellement souffrir.

Enfant naturel ? Et après ?… Il porterait, le front haut, le nom de sa mère. Elle le libérerait, dès les premiers pas, de la prison sociale. Elle lui apprendrait à aimer, sans hypocrisie, tout ce qui en vaut la peine, comme à ne rien aimer qui n’en soit digne. Elle lui épargnerait ainsi, avec les mots superflus, les maux inutiles.

Oui, cela seul à ses yeux demeurait la raison vitale : un enfant, qui n’appartiendrait qu’à elle, et dont elle serait fière. Centre des jours solitaires et de ces heures vides que travail ni volupté, rassasiants à la longue, ne parvenaient à combler…

Cela, qu’elle ne s’avouait pas encore, n’en était pas moins le profond mobile : un besoin de tendresse et d’amour inassouvis, toute sa détresse de femme à l’abandon, jusque dans la solitude à deux de toutes ses tentatives. Monique élançait, vers son rêve de grossesse, la même frénésie de complément, la substitution sentimentale que tant d’épouses malheureuses recherchent, dans la maternité.

C’était de l’instant où son espoir avait cessé, que le sentiment d’une nouvelle faillite s’était à son insu infiltré en elle. Elle gardait, de son quatrième essai, une tristesse qui tournait, peu à peu, à la neurasthénie. Bientôt elle rompit, au désespoir enragé de l’amant.

C’était un peintre de son âge, spirituel et bon vivant, qui maçonnait des paysages en rondelles et des portraits en cubes. Le tout dans une tonalité grenat, pointillée de blanc… Non qu’il jugeât ces conceptions logiques, mais il obéissait au goût