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la garçonne

de la salacité, également cachée, de M. Rabbe (le faux Alfred).

Ce jour-là, on est en juin. La nuit vient. Il fait encore si chaud, dans le jardin, qu’on a la peau moite sous les robes. Zabeth et Monique suivent, après le diner, le chemin des lavandes, qui monte jusqu’à la grande roche rousse, d’où l’on surplombe les Salins, et, par-delà, la mer. On voit de l’autre côté les monts des Maures, bleus sur le ciel vert. Il y a au large une petite voile orange et, dans le ciel, de lourds nuages cuivrés… « On étouffe ! » dit Zabeth.

Nerveusement elle arrache une feuille parfumée à l’oranger en boule, la mordille. On respire l’odeur des hauts eucalyptus ; elle se mêle, par effluves, à celle des argelès et des cystes. Toute la griserie du sol provençal.

Monique entr’ouvre son corsage, puis élève ses bras nus, cherchant en vain quelque fraîcheur… « Zut ! voilà mon épaulette cassée ! » La chemise glisse, montrant les seins. Ils haussent leurs rondeurs petites, mais parfaites. Sur sa peau de blonde, veinée de bleu, pointent les boutons de rose.

Zabeth soupira : « Encore une nuit où on dormira mal, j’ai beau coucher nue… Sais-tu que tes seins deviennent aussi gros que les miens ?… — Non ? dit Monique, ravie. — Si ! regarde… Seulement, les tiens sont en pomme, et les miens en poire… » Zabeth dénude vivement sa poitrine dorée où s’érigent, dans une offre tacite, des fruits plus lourds. Elle en compare la forme allongée aux mamelons bruns, durcis, avec le galbe satiné des seins de Monique. Sa main les englobe et doucement les caresse…