Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
la garçonne

dogaresse… Un turban de diamants et de perles, emblème de la fête hindoue, évoquait, sur la chevelure vénitienne, les splendeurs de l’Asie. Elle associa gentiment Monique à son triomphe.

On s’écrasait dans les salons. Mlle Marnier n’avait pourtant convié qu’une intimité : mais elle allait de la finance belge au gratin parisien, en passant par toutes les notoriétés de l’art et des lettres cosmopolites. Monique, à travers cohue et brouhaha, avançait, happée au passage par ses admirateurs.

Il n’y en avait pas de plus chauds que ses anciens amis.

La bande, qui semblait s’être donné là rendez-vous, se faisait reconnaître, avec force protestations. Il semblait que Ginette Hutier et Michelle d’Entraygues n’eussent jamais cessé de la chérir. Ce n’était qu’une voix sur son talent, sa grâce, son éclat…

Et cætera, fit-elle en serrant sans chaleur la main de la Général Merlin, qui s’empressait.

Mais les lumières, brusquement, s’éteignirent. Tout bruit s’apaisa comme par enchantement, après un ah ! prolongé. On voyait, au bout de l’enfilade, s’éclairer le sanctuaire : les rideaux de corail et d’or s’ent’rouvraient lentement. Le désert de verdure et de palmiers vermeils parut. Un grand tapis noir étendait, sur toute la scène, son velours ras.

Alors une étrange musique s’éleva. L’orchestre invisible lançait son chant nostalgique. L’Orient s’éploya, mystérieusement. Puis les rideaux retombèrent, en même temps que déclinait la mélopée… Soudain, au dernier soupir des flutes aiguës et douces, ils se relevaient au milieu de l’impressionnant silence.