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la garçonne

respira quand, remonté en auto, elle cessa de l’apercevoir, saluant toujours à la portière.

Travailler pour ce métèque ? Plus souvent !… Elle haussa les épaules, avec mauvaise humeur. Plombino venait de lui gâcher toute sa journée. Un nuage en même temps passait sur le soleil… En elle, autour d’elle, tout s’était brusquement assombri.

Elle n’était pas encore revenue de son mélancolique voyage aux pays de la souffrance passée, quand, — après une après-midi enfermée chez elle, avec ses souvenirs, puis une tasse de thé et un toast solitaires, — neuf heures, tintant au cartel de sa chambre, la rappelèrent à la réalité. La soirée de Lucienne Marnier, et, à minuit, l’exhibition de Peer Rys ! Elle n’avait que le temps !…

Elle recourut au remède habituel de ses fatigues et de ses neurasthénies : la bonne eau froide, et son coup de fouet… Nue, dans son cabinet de toilette tout en céramique blanche et en glaces, elle s’étirait après la friction de la bande de crin.

La réaction salubre l’avait rassérénée. Son accès de sauvagerie douloureuse cédait au besoin d’oubli. Comme d’ordinaire elle sortait de sa rêverie avec un âpre besoin d’action, quelle qu’elle fût. Crises dont l’acuité s’espaçait, mais où la plaie, crue chaque fois cicatrisée, s’était rouverte tout entière, au plus profond…

Elle donna, à l’image que le haut miroir lui renvoyait, un regard qui la satisfit… À quoi bon se tourmenter de la sorte ! Elle s’en voulait de cette faiblesse, se persuadait : on ne peut rien, aux faits accomplis, que d’en tirer, courageusement, la leçon !

Elle caressait, d’un mouvement machinal, ses seins