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la garçonne

Il prit son silence pour une invite et continua, d’un ton pénétré :

— Aujourd’hui où fous n’avez plus besoin de personne, je me sens plus à l’aise pour fous assurer que mon affection n’a pas varié, et que mon admiration a grandi.

Elle lut, dans ses yeux d’hippopotame cuit, la même vaseuse sincérité qu’aux jours lointains où elle était encore une jeune fille à marier… Quelle nouvelle apportait-il, ou quel marché pouvait-il lui vouloir proposer ?

— Au fait, monsieur le baron, fit-elle, poliment hautaine. Que me voulez-vous ?

Plombino, en la revoyant, sentait se réveiller, plus vivace que jamais, sa marotte. La manière dont il avait été éconduit, la préoccupation de ses entreprises, sans cesse élargies au point de rayonner maintenant sur les deux mondes, de longues absences en fin avaient seules pu le détourner, momentanément, de sa poursuite. Monique, revue à un souper de centième, s’était réemparée, à son insu, du millionnaire vieillissant. L’idée fixe de la revoir, — et de l’avoir, à n’importe quel prix, — depuis le hantait.

Il déclara, avec onction :

— Eh ! bien, voilà ! fous savez les relations d’affection quotidienne que j’entretiens avec fotre père, depuis…

Il hésita, espérant qu’elle lui viendrait en aide… Mais elle le regardait fixement, avec un air moqueur… Oui, elle savait !… L’association conclue, entre son père et Vigneret d’abord, elle partie, et comme si de rien n’était… Puis l’augmentation du capital, transformant, avec les millions de Plombino lui-même, de