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la garçonne

— Aah ! rugit Edgard Lair, avec une furie subite… Finis ! tu m’exaspères.

Les vitres tremblèrent. Il enleva, jeta sur un fauteuil le vaste feutre dont il ombrageait son front génial, puis, d’un minuscule mouchoir de soie verte, pendant de la poche de son veston, il s’épongea. Sous la coupole crânienne, son visage de boule-dogue fronçait un petit nez écrasé, au-dessus d’une lippe pendante.

— Il est fou, pensa Monique, ce coco-là !

Le comédien reprenait d’une voix posée :

— Au deux, l’amour est né. Coup de la passion. Rouge. Rouge et or ! Du sang, du sang ! Tous les rouges. Les plus violents… Que ça gueule ! Voilà.

Monique réprima son envie de rire.

— L’indication est excellente… Je vois. Et pour les meubles ?…

— Pas de meubles, des tapis. Et des coussins, des coussins, des coussins !…

Mlle Claire, qui un crayon à la main notait, s’exclama :

— Magnifique !

Edgard Lair salua, avec dignité. Et se tournant vers Monique :

— Compris, Mademoiselle ? Les maquettes dans trois jours.

— Je ferai de mon mieux.

Il laissa tomber, condescendant, après un regard circulaire :

— Vous avez du talent. Et quand vous aurez travaillé avec moi…

Il ouvrit, d’un rond de bras, l’avenir illimité, et se couvrit, avec la fierté d’un grand d’Espagne. Puis, se