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de folie qui venait de les secouer. Habitué à feindre des sentiments qu’il n’éprouvait pas, il emportait : cependant, de l’aventure, celui que ce jeu valait autant que la réalité. L’idée d’avoir trompé Niquette faisait luire, gaiement, son regard…

La simplicité de Monique, en le déconcertant, le ramena au bon sens, et l’aguicha, définitivement. Elle constatait :

— Vous dansez très bien ! On recommencera.

Rouge encore et les yeux brillants, elle ne témoignait, dans sa satisfaction, d’aucune fausse pudeur. Elle se disait : « Après tout, ce n’est qu’un exercice de gymnastique… Mais tout de même, bien agréable ! Je ne l’aurais pas cru. »

Le lendemain, au Chardon Bleu, — où à côté du studio turquoise et mandarine Monique avait installé, le matin même, un boudoir aubergine, avec des bois d’érable moucheté, — elle écoutait, avec déférence, Edgard Lair. Amené par Briscot, il proférait des paroles définitives, à l’ébahissement de Mlle Claire.

C’était la première vendeuse de Monique, Mlle Tcherbalief, une jeune fille de l’aristocratie russe, déracinée par la tourmente révolutionnaire et qui, après avoir fait du ciné pour vivre, se trouvait heureuse, dans son abri momentané.

— Pour le un, où l’amour naît, je vois des tentures hanneton écrasé. À grands plis… Rien d’autre. Les limbes !… Pour tout meuble, un Récamier et un guéridon de laque noire. Et des coussins, des coussins, des coussins…

Niquette, modern style, approuvait. Briscot, désintéressé, battait du bout de sa canne une marche redoublée, sur le ventre d’un bronze hindou.