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la garçonne

mouvements, de sons, de clartés, dans cette ivresse particulière que charriait, aux veines les plus lentes, l’atmosphère âcre et surchauffée, un instant vint où le contact, d’instinct, s’établirait.

Ce fut Briscot qui, sans même le vouloir, déclencha le courant. Il n’avait attaché, tout à l’heure, aucune importance à ses plaisanteries. Mais au balancement de la mesure, qui, après la marche des corps jumelés, inclinait le va-et-vient, sur place, du corte, à ce simulacre crûment évocateur de l’acte, Monique sentit contre sa chair, — imperceptiblement d’abord, puis avec une précision telle qu’elle faillit s’arrêter, rompre l’étreinte, — son danseur se roidir. Sous la légèreté des étoffes, la chaleur du sang brûlait en eux. Un engourdissement la pénétrait. Elle ferma les yeux, et se serra davantage. Bras tendus, ils serpentaient, noués… Leurs doigts joints s’entremêlèrent, paume à paume, et, du coup, l’imagination de leurs nudités…

Il avait d’abord affecté un air détaché. Puis voyant que loin de se défendre elle s’abandonnait, il plaqua fortement à son déhanchement la croupe nerveuse. Il était affolé de sentir remonter, de son épaule à son cou, la caresse inconsciente d’une main crispée. Ils roulaient, l’un sur l’autre, puis tanguaient, dans un flux et un reflux mécaniques, accomplissant, avec lenteur, la répétition du geste héréditaire…

Le tango cessa net. Leurs bras se délièrent. Ils se contemplaient avec une espèce de stupeur, comme si, revenus d’un voyage lointain, ils se retrouvaient en face l’un de l’autre après l’absence, sans se reconnaître…

Il eut l’esprit de ne faire aucune allusion au coup