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la garçonne

Monique est peinée par ces raisonnements. Elle voudrait que tout le monde soit heureux. Elle a aussi du chagrin : elle n’est pas comprise par les siens. Ce n’est pas sa faute si elle a un caractère qui ne ressemble pas à ceux qu’elle voit, autour d’elle ! Et ce n’est pas sa faute non plus si à cause de ses joues creuses et de son dos qui ploie, elle ne fait pas honneur à ses parents : « Tu as grandi comme une mauvaise herbe ! » entend-elle répéter sans cesse…

Si cela continue, elle finira par tomber malade : on le lui a assez promis ! Cette idée, elle l’accepte avec résignation, presque avec plaisir. Mourir ? — ce ne serait pas un grand malheur. Qui l’aime ? Personne. Si ! Tante Sylvestre.

Aux vacances de Pâques, quand après une grosse bronchite, et trois semaines de lit, Monique s’est levée si faible qu’elle ne tient plus sur ses fuseaux, — tante est là ! Et lorsque le médecin déclare : « Il faudrait que cette enfant vive à la campagne, longtemps… dans le Midi si c’est possible… au bord de la mer… Le climat et la vie de Paris ne lui valent rien… » tante s’écrie : — « Je la prends avec moi ! Je l’emmène. Hyères, c’est excellent, n’est ce pas, docteur ?… — Parfait, l’endroit rêvé… »

C’est convenu, aussitôt, Et Monique a tant de joie en songeant qu’elle va être transplantée, au soleil, près de sa vraie maman, qu’elle ne pense pas à s’attrister de ce que son père et sa mère ne manifestent eux-mêmes aucun regret.

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