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la garçonne

— C’est vrai tout de même ! Monique a un caractère étonnant… Par exemple, la cavalière ! Quel genre !

Max de Laume la reconnut :

— Mais c’est Niquette !

— Non ? Ce que ça la change, d’être teinte !

— Elles sont donc toujours ensemble ? s’étonna Hélène Suze.

Curieusement ils dévisageaient Monique Lerbier, décoratrice, et sa fameuse amie, — Niquette, l’étoile de Music-Hall, depuis trente ans célèbre. Paris raffolait de sa voix aigre et ses jambes parfaites, spirituelles autant qu’était agile sa langue, toujours frétillante au coin des lourdes lèvres. Laide, avec son nez retroussé, n’eussent été les yeux d’escarboucles…

— Il n’y a pas à dire, elles ont du cran, constata Max de Laume.

Niquette et Monique venaient de se rasseoir à leur table. On eût dit un ménage amoureux. Tendrement Niquette se pencha, enveloppa de son écharpe de fourrure le cou de Monique.

— C’est touchant, blagua Hélène Suze.

— Ne t’excite pas, Suzon ! dit Michelle. La place est prise.

Hélène Suze, dont les goûts lesbiens s’affichaient de plus en plus, haussa les épaules. Elle avait toujours gardé rancune à Monique d’avoir repoussé, autrefois, les avances qu’elle lui avait fait faire par Ginette Morin, avant que celle-ci, — en remplacement de Mme Hutier, enlevée par une embolie, — ne devint Vice-Présidente de l’Œuvre des Mutilés, et, bientôt, ministresse dans le cabinet Pertout.

Ginette !… Hélène Suze donna un souvenir à son