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la garçonne

torze ans déjà petite femme, et son frère, un garçonnet de six ans. Je songeais que je ne serai jamais mère, que je resterai une inutile… Je vieillirai comme tante Sylvestre, seule…

Je suis seule désormais ! Seule dans ma maison, seule dans mon cœur… sans attaches sociales, sans foyer !…

Merci encore d’avoir bien voulu penser à m’accueillir au vôtre… Mais je sens que de longtemps je ne pourrai me trouver au milieu d’enfants. Je suis trop grave pour leurs petites âmes, ils seraient trop joyeux pour moi…

Je vous embrasse bien affectueusement.

Monique.


Monique Lerbier à Mme Ambrat.
Paris, le 13 juillet.
Chère madame,

Il y a longtemps que je ne vous ai donné de mes nouvelles. Je suis confuse de mon silence après votre bonne lettre… Aujourd’hui, je souffre moins, je peux vous écrire…

Il me semble que ma douleur s’est un peu engourdie. Je regarde, sans qu’un sentiment quelconque me dicte de la peine ou de la joie. Je vois le soleil pâle de cette matinée, le jardin si profond sous mes fenêtres, des prêtres qui passent. Je végète seulement.

Vous ai-je dit qu’après le règlement de la succession de la pauvre tante, j’ai quitté la rue Chaptal, si