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la garçonne

Elle traversait en courant devant un autobus, elle a buté et alors… Le chauffeur a bien fait tout ce qu’il a pu, pour arrêter. Elle était déjà sous les roues… on a trouvé dans son sac, que voilà, — il est intact, — une enveloppe avec son nom et votre adresse… Quand on l’a portée à la pharmacie, elle respirait encore… Elle a demandé qu’on la transporte… L’ambulance municipale est en bas. J’ai tenu à l’accompagner, pour vous prévenir…

Monique, aux derniers mots, s’était précipitée. La civière était au pied de l’escalier, dans le vestibule. Elle souleva, avec une épouvante sacrée, le voile qui recouvrait le visage. Elle crut qu’elle devenait folle. La mort, lacérant le ventre et les jambes, avait respecté les traits chers. Ils semblaient, endormis, vivre encore.

— Tante chérie ! appela Monique, secouée de sanglots… Tante !

Une angoisse atroce la pénétrait. Une sueur glacée mouilla son front. Elle sentait en même temps toute sa jeunesse achever de mourir. Et se baissant vers le cadavre, pour l’étreindre, elle défaillit sous le coup suprême.