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la garçonne

indépendante, selon ma conscience ! Pour vivre, moi femme, comme… tenez ! ce que vous ne serez jamais : un honnête homme. Adieu.

Elle gagnait la porte. Il lui barra le passage :

— Je ne veux pas que nous nous quittions ainsi. Je tiens à vous, et je suis prêt à vous disputer à vous-même. Il y a, dans votre explosion, trop de véhémence pour ne pas cacher quelque… déformation. Heureusement !

— Aucune.

— Alors, deux questions…

— Parlez.

— Jurez-moi que ce que vous me dites avoir fait hier soir, vous l’avez fait, réellement.

— Je le jure…

Elle lut dans son regard un doute. Elle ajouta :

— Je le jure sur la tête de ma tante Sylvestre. Et vous savez si je l’aime.

Il s’écria, saisi de rage :

— Peut-on savoir le nom de votre complice ?

La stupéfaction, l’amour-propre indigné l’outraient moins que le regret de la combinaison manquée…

— Mon complice ? C’est bien le mot bourgeois que vous deviez dire ! Le complice de ma faute, n’est-ce pas ?.… Un duel ? Vous pouvez rengainer votre fureur. D’abord, je ne vous suis rien, je n’appartiens qu’à moi. Ensuite… Je ne le connais pas.

— Vous ne le connaissez pas ?

Elle eut souri, si elle l’avait pu, de son ahurissement. Mais tout, en lui, se rebellait. Il haussa les épaules : elle inventait !… Alors, impitoyable, avec une espèce d’apaisement farouche, elle donna des précisions. Elle jouissait de voir se crisper, blêmir à