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souffert. Restait l’explication pénible. Mais, à sa lassitude désespérée, une sorte de sombre satisfaction se mêlait. Et calme d’apparence, sous le tumulte :

— Écoutez-moi.

Pressé de se justifier, — car il croyait l’aimer, moins dans la mesure de son désir que dans celle de ses projets, auxquels elle était liée, — il s’écria :

— Il faut me pardonner, Monique. Je ne suis pas coupable, bien que toutes les apparences soient contre moi… toutes, jusqu’aux soins même que j’ai pris pour vous éviter tout soupçon ! Ne vous prouvent-ils pas, cependant, à quel point je tenais à ne pas vous tourmenter, surtout si inutilement ! Car, maintenant, c’est liquidé ! Jamais plus vous n’entendrez parler de cette fille ! Sachez seulement que nous avons été sous la menace d’un esclandre terrible, coups de revolver, etc…

Elle le laissait aller, ironique, comme si elle eût percé ces derniers mensonges, deviné l’entente conclue entre sa maîtresse et lui. Il l’avait assez facilement apaisée, par le don d’un collier de perles et l’offre d’une mensualité, avec promesse de rendez-vous fréquents… Il se tut et leva les yeux : l’insolent visage le décontenançait, par son expression de douleur contenue.

Monique fit appel à toute sa volonté.

— J’admets la sincérité de vos intentions. J’admets même la sincérité de votre amour.

Il protesta :

— Oh ! Monique, moi qui…

Elle l’interrompit :

— Quoi ? Votre désintéressement ? Ma dot ? C’est à cela que vous pensez ?… Oui, hier j’avais pris votre