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la garçonne

ton père a pour maîtresse la petite Rinette, des Capucines ! Je m’en suis consolée comme j’ai pu… Personne du moins n’a eu les échos de mes déceptions, et de mes chagrins.…

— Toi, maman ! Toi !

Mme Lerbier craignit soudain d’en avoir trop dit. Alors, détournant les yeux sous l’interrogation que dardait le regard bouleversé de Monique, elle ajouta :

— Mais tout cela, ce ne sont que des considérations générales ! J’en reviens à ce qui te concerne… Plus que jamais, tu dois te taire. Et épouser Lucien, sans retard. |

— Même en lui apportant, n’est-ce pas, l’enfant d’un autre !

— D’abord, ce n’est qu’une supposition.

— Et si elle devait être une réalité ?

— Il ne le saura pas ! Donc…

— Tais-toi ! C’est ignoble…

— Tu vas te mêler de me donner des ordres, maintenant ? De me juger ?… Toi !… Regarde-moi : ou tu te tairas, et tu épouseras Lucien…

— Jamais.

— Ou je dis tout à ton père. Et il te chassera.

— D’accord.

— Monique, voyons, tu…

Elle n’acheva pas. Son enfant était devant elle, comme devant une étrangère. Une pâleur glaçait le visage douloureux. Les yeux baissés disaient un affreux désarroi. Mme Lerbier voulut l’embrasser, l’attirer contre son pauvre cœur corrompu, maternel quand même.

— Monique ! répéta t-elle.

— Laisse-moi.