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la garçonne

— Parce que ?…

— Parce que, moi-même, je ne sais pas.

— Tu ne sais pas ? Tu te moques de moi ? Réponds… Un de nos amis ? Non ? Alors un passant, le premier venu ?

— Oui.

— Ce n’est pas vrai ! Ou alors tu es folle.

— C’est vrai. Et je ne suis pas folle.

Mme Lerbier plia, effondrée. La catastrophe ! Elle était pourpre. De fureur plus encore que d’indignation… Elle bredouilla, tant la rage la travaillait :

— Ma… Malheureuse ! Et si tu as un enfant ?

Monique pâlit. Un enfant… De quel père ? Elle souhaita, si la supposition se réalisait, que ce ne fût pas du misérable auquel elle avait cru… Un enfant ?… elle pensa, tout haut :

— Et bien je l’élèverai, voilà tout.

— Ton inconscience dépasse les bornes ! Tu n’es qu’une idiote, une…

Elle s’arrêta court. Une issue s’ouvrait, dans le cul-de-sac. Distinctement elle voyait poindre une lueur, — le tournant… Pas de preuve, en somme ! Aucun signe à redouter, de quelque temps… Que Monique consentit à ne pas faire bravade de sa démence, et ce serait comme si rien ne s’était passé… D’ailleurs la violence, avec une nature comme celle-là, ne mènerait à rien, Elle essaya de la douceur. Et persuasive :

— Je ne m’attarderai pas à des blâmes sans doute superflus, puisque tu me diras que tu as ta conscience pour toi !… Le mal est fait. Restent les remèdes. Tu estimes que tu as bien agi ? Soit, tu juges selon ta morale ? Bien. Veux-tu que je te donne, en vieille