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LÉGENDES BRUXELLOISES

champs, foulant aux pieds tout ce qu'ils rencontraient, détruisant moissons et récoltes. Si le serf levait la tête pour protester, ils lui marbraient le corps à coups de fouet ou le daguaient : il mourait et était plus heureux ainsi.

Les ducs, les marquis, les sires, les chevaliers défendaient aux religieux de défricher leurs bois et de faire usage de leurs pâtures ou de leurs eaux : c'était peu de chose en somme. Il est vrai qu'ils aillaient plus loin. Ils équipaient leurs hommes d'armes, s'entouraient de quelques sacripants de leur espèce et, sans remords, au contraire, en grande joie, s'emparaient des terres des couvents, incendiaient leurs récoltes, pillaient les abbayes, emmenaient leurs serfs et leurs gens en captivité, ruinaient les corporations religieuses et, rentrant dans la grande salle de leurs châteaux, riaient aux éclats, mangeaient comme quatre, buvaient comme dix, vidant force hanaps et vidrecomes et tombaient ivres-morts de leur fauteuil de chêne sous la lourde table. C'était plaisir de noble.

Mais si ces capitaines, écuyers, avoués, chevaliers, porteurs d'armoiries et d'écus de même acabit se montraient ainsi irrespectueux envers les abbés, moines, prêtres de toute espèce, comment ne devaient-ils point agir vis-à-vis, non seulement des bourgeois des villes, mais surtout vis-à-vis du vrai