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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

lieu de la plume d’aigle, ils se coiffent d’un chapeau de feutre, gris ou blanc, aux larges bords et légèrement conique. Leurs pieds sont comme autrefois chaussés de larges sandales en peau de chevreuil, qu’ils appellent «  mocassins  ». Souvent aussi, au lieu de la couverture, ils portent une longue tunique flottante, grise ou noire. Si le costume a changé, le type du moins est bien resté le même : figure jaune, sans barbe, généralement ronde chez les Têtes-Plates, plutôt ovale chez les Nez-Percés  ; longs cheveux d’un noir de jais, non point crépus comme ceux des nègres, mais plats et luisants. Je partis donc de Spokane le jeudi 30 octobre, me dirigeant cette fois vers le Sud  ; à la station de Tekoa (prononcez Tikô), je m’arrêtai et me mis en quête de l’employé des postes chargé de distribuer le courrier dans la Réserve. L’ayant trouvé, je montai près de lui dans son buggy, voiture légère à quatre roues, et nous enfilons une de ces routes américaines, toutes les mêmes, larges de dix — huit mètres et bordées de chaque côté d’une clôture en bois, uniforme et interminable. À un tournant de la route, mon compagnon me dit : «  Ici nous entrons dans la Réserve  ». «  Enfin, pensais-je, je vais voir des sauvages.  » Je n’attendis pas longtemps : des voitures chargées d’indiens, des hommes à cheval, enveloppés dans leur couverture rouge, venaient à notre rencontre. En passant, tous me saluaient en leur langue gutturale : «  Gests’galgalt,… Bonjour.  » Dans une des voitures, je crus voir une jeune fille, debout derrière le siège, me saluer ainsi, en ajoutant un geste gracieux de la main. Je me trompais  ; ce n’était pas une jeune fille, c’était un jeune homme  ; sa figure douce et régulière, encadrée de fines tresses de cheveux noirs, m’avait fait illusion. Tous