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quant ainsi les jeunes hommes à en faire autant. Cette solennité et ces discours faisaient grande impression sur l’esprit des assistants ; et après les fêtes de nombreuses bandes de jeunes braves partaient en guerre, avides de tuer, de faire du butin et de se rendre fameux dans la tribu.

Les Réserves étant éloignées les unes des autres, il se forma peu à peu entre elles des villages d’émigrants ; ceux-ci, hommes de frontière, hardis et prompts à l’attaque, voyant passer des troupes d’Indiens avec des chevaux, s’unirent entre eux et leur donnèrent la chasse comme à des loups. Cela mit fin aux guerres de tribu et aux vols de chevaux.

Il y a vingt ans, dans ces réunions et ces solennités, on ne voyait aucune trace de civilisation parmi les Pieds-Noirs : ils étaient tous vêtus à la sauvage, aucun ne parlait anglais, les voyages se faisaient à cheval. Les blancs mariés à des femmes indiennes vivaient hors de la Réserve ; les enfants, garçons et filles, couraient dans le costume le plus primitif. Maintenant tout cela est changé. Les hommes s’habillent à peu près comme les blancs ; la jeunesse sortie des écoles parle anglais, et l’on voyage en chariots ou en voitures légères. À l’approche des Américains, les blancs mariés avec des Indiennes, abandonnant leurs demeures, vinrent s’installer dans la Réserve, y bâtirent des maisons et se livrèrent à l’élevage du bétail. On voit maintenant aux fêtes de nombreuses jeunes filles métisses, vêtues à la mode anglaise, avec des chapeaux à plumes et accompagnées de jeunes mécréants à demi civilisés qui se livrent sans frein à toutes leurs passions. Ce mélange de gens oisifs vivant ensemble pendant deux ou trois semaines, et les danses religieuses prolongées jusqu’au matin, rendent l’atmosphère de ces réunions vrai-