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MONOGRAPHIES INDIENNES.

ivre. Ils commettaient toutes sortes de crimes : les uns se suicidaient, les autres tuaient ceux qui leur étaient les plus chers, femmes, parents, amis, tous tombaient victimes de la funeste liqueur. Les sauvages dont elle a causé la mort se comptent par milliers. Le dernier meurtre fut commis le 1" décembre 1899 : un Pied-Noir, sorti de la Réserve, était allé dans un village voisin où il s’était enivré jusqu’à devenir furieux : un blanc l’abattit d’un coup de fusil.

En 1894, au cœur de l’hiver, par un froid rigoureux, je m’étais réfugié pour la nuit dans la tente d’un chef, au fond de laquelle je m’endormis. Vers minuit, quelques sauvages chargés d’eau-de-vie, entrèrent dans la tente et se mirent à la vendre à leurs amis. Une couverture pour une chopine, une selle pour une bouteille, un dollar pour un verre. Ils passèrent alors dans une autre tente et l’orgie commença. Je dis au chef d’amener mon cheval, et voulais partir immédiatement. «  On va bientôt, — lui dis-je, tirer des coups de fusil dans toutes les directions, et je n’ai nulle envie de me faire tuer.  » Le chef m’assura qu’il veillerait à ma sécurité et je restai chez lui. Le lendemain tout était tranquille  ; seulement, au dehors, on voyait çà et là des hommes et des femmes, couchés sur le sol, en état de complète ivresse. Leurs parents les traînèrent dans les loges et les gardèrent à vue, jusqu’à ce qu’ils eussent repris leurs sens.

Quelques sauvages, lorsqu’ils sont ivres, sont prêts à se livrer à tous les excès, et j’ai vu quelquefois des familles entières courir se cacher dans la brousse ou dans d’autres cases, jusqu’à ce que cet accès de folie fût passé.