lais des répétiteurs plus de louange que de blâme. Aussi, dans l’hiver de 1763, mon oncle eut-il l’idée de me faire un petit cadeau, ce dont jamais encore il ne s’était avisé, et cela en récompense de mon application qu’on lui avait vantée. Ce présent, maître André me l’annonça trois mois à l’avance, et avec une emphase prophétique : il me dit qu’il savait de bonne source que je le recevrais si je continuais à me bien comporter, mais jamais il ne voulut me dire ce que ce pouvait être.
Cette espérance vague, que s’exagérait mon imagination, me renflamma de plus belle, et je me renforçai encore dans ma science de perroquet. Un jour enfin, le valet de chambre de mon oncle me montra le précieux cadeau qu’on me destinait : c’était une épée d’argent, travaillée avec beaucoup d’art. Sa vue me rendit fort désireux de la posséder, et je l’attendais tous les jours, croyant l’avoir bien méritée ; mais le présent n’arriva pas. On voulait, si j’ai bien entendu ou deviné dans la suite, que je priasse mon oncle de me la donner ; mais le même caractère qui, plusieurs années auparavant, dans la maison de ma mère, ne m’avait pas permis de dire à mon aïeule ce que j’eusse désiré, quoiqu’elle m’en pressât vivement, vint ici encore me couper la parole. Il n’y avait pas de risque que je m’avisasse de demander cette épée à mon oncle : aussi ne l’eus-je point.