Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coups de dictionnaire. Pour la géométrie, je suivis tout le cours, c’est-à-dire, qu’on m’expliqua les six premiers livres d’Euclide ; mais jamais je n’ai pu comprendre la quatrième proposition. Aujourd’hui encore je ne l’entends pas davantage, ayant toujours eu la tête parfaitement anti-géométrique. Cette classe de philosophie péripatéticienne, qui se faisait ensuite dans l’après-dîner, était une chose à dormir debout. Pendant la première demi-heure, on écrivait le cours sous la dictée du professeur, et pendant le reste du temps, que le professeur employait à expliquer son texte latin (Dieu sait quel latin), nous autres, enveloppés jusqu’aux oreilles dans nos grands manteaux, nous nous livrions aux savoureuses douceurs du sommeil ; et parmi tous ces philosophes on n’entendait d’autre son que la voix traînante du professeur, qui, lui-même, avait bonne envie de dormir, et ce bruit des dormeurs ronflant sur divers tons, qui haut, qui bas, qui entre deux. Cela faisait un admirable concert.

Outre l’irrésistible puissance de cette philosophie soporifique, ce qui ne contribuait pas peu à nous faire dormir, surtout nous autres de l’Académie, qui avions deux ou trois bancs séparés à la droite du professeur, c’est que, chaque matin, il nous fallait trop tôt interrompre notre sommeil et nous lever. C’était, quant à moi, la principale cause de toutes mes indispositions, l’estomac n’ayant point assez de temps pour la digestion du souper, qui s’opère pendant le sommeil. Les supérieurs, ayant fait plus tard cette remarque à mon sujet, finirent par me