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et c’est bien autre chose que l’Énéide, j’étais en peine de comprendre le plus facile de nos poètes. Je n’oublierai jamais que dans le chant d’Alcine, arrivé à ce merveilleux passage où le poète décrit la beauté de la fée, je me creusais l’esprit pour bien entendre ; mais, pour y parvenir, il me manquait trop de données en tout genre. Par exemple, les deux derniers vers de cette stance :


Le lierre presse moins étroitement, etc.


Jamais je ne pouvais en trouver le sens. Et alors je tenais conseil avec mon rival de classe, qui n’y voyait pas plus clair que moi, et tous deux nous nous perdions dans un océan de conjectures. Comment finirent cette lecture furtive et ce commentaire sur l’Arioste ? L’assistant ayant vu courir dans nos mains un méchant petit livre qui disparaissait à son approche, le confisqua, et, s’étant fait donner les autres volumes, remit le tout au sous-prieur ; et nous voilà, pauvres petits poètes, privés de tout guide poétique, les ailes rognées.





CHAPITRE III.

Les parens auxquels fut confiée mon adolescence à Turin.



Pendant ces deux premières années à l’Académie, je n’appris donc que fort peu de chose, et ma santé se trouva gravement compromise par le chan-